Transformée de Laplace#

Il n’est pas toujours possible de calculer une transformée de Fourier car dans certains cas, son intégrale ne converge pas vers une valeur finie. C’est le cas par exemple d’un signal constant sur \([-\infty,+\infty]\) ou de la réponse impulsionnelle d’un système instable (qui peut tendre vers l’infini). Dans ce cas, la transformée de Laplace est utile car elle prolonge la définition de la transformée de Fourier. Elle permet alors d’analyser la stabilité d’un système.

Définition#

La transformée de Laplace d’un signal à temps continu \(x(t)\) est :

\[ X(s) = \int_{-\infty}^{+\infty} x(t) e^{-st} dt \]

\(s = \sigma + j\omega \in \mathbb{C}\) est la variable de Laplace. Cette formule est très semblable à la transformée de Fourier, à la différence que l’imaginaire pur \(j2\pi f\) de la transformée de Fourier est remplacé par le complexe \(s\) de la transformée de Laplace.

On notera dans la suite : \(X(s) = \mathcal{L}[x(t)]\).

Dans le cadre du filtrage, la transformée de Laplace \(H(s)\) de la réponse impulsionnelle \(h(t)\) d’un filtre analogique est appelée « fonction de transfert » (transfer function). Elle correspond au quotient entre les transformées de Laplace de la sortie et de l’entrée :

\[ H(s) = \frac{Y(s)}{X(s)}. \]

Diagramme pôles–zéros#

La transformée de Laplace est une fonction complexe (à cause de la présence de l’exponentielle complexe) d’une variable complexe (\(s\) est complexe). Pour la représenter, il faudrait donc quatre dimensions ! C’est bien sûr trop compliqué. D’ailleurs, il n’y aurait pas de réel intérêt à la représenter.

Exemple

Juste pour la curiosité, la transformée de Laplace de \(e^{-at} \cos(bt) u(t)\) est représentée Fig. 14. Vous conviendrez que ce n’est pas simple à interpréter !

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Fig. 14 Représentation 3D du module et de l’argument de la tranformée de Laplace de \(e^{-at} \cos(bt) u(t)\) (ici, \(a=1\) et \(b=2\pi\)).#

À la place, on utilise une représentation schématique de la transformée de Laplace : le diagramme pôles–zéros (pole–zero plot). Celui-ci est une représentation des singularités de la transformée de Laplace :

  • les lieux où elle tend vers zéro sont représentés par des \(\circ\) et sont appelés à juste titre « zéros »,

  • les lieux où elle tend vers \(\pm \infty\) sont représentés par des \(\times\) et sont appelés « pôles ».

La Fig. 15 représente le diagramme pôles–zéros de \(e^{-at} \cos(bt) u(t)\). Cette fois-ci, cette représentation est simple à interpréter !

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Fig. 15 Diagramme pôles–zéros du système de réponse impulsionnelle \(h(t) = e^{-at} \cos(bt) u(t)\) (ici, \(a=1\) et \(b=2\pi\)).#

Dans certaines conditions (liées à la région de convergence que l’on verra plus loin), la transformée de Fourier est égale à la transformée de Laplace pour \(\sigma=0\), ce qui correspond à l’axe des imaginaires purs (l’axe vertical sur le diagramme pôles–zéros). Pour le signal \(e^{-at} \cos(bt) u(t)\), la transformée de Fourier est matérialisée sur la Fig. 15 en orange.

Transformée inverse#

La transformée de Laplace inverse de \(X(s)\) est :

\[ x(t) = \frac{1}{2\pi j} \int X(s) e^{+st} ds. \]

Le calcul de cette intégrale s’effectue en intégrant le long d’un contour dans le plan complexe en \(s\). C’est un calcul compliqué qui nécessite des notions que nous n’aborderons pas dans ce cours.

Or, la plupart des transformées de Laplace s’écrivent sous forme d’une fraction rationnelle (fraction entre deux polynômes):

\[ H(s) = \frac{ \sum_{m=0}^{M} b_m s^m }{ \sum_{n=0}^{N} a_n s^n } = \frac{ b_Ms^M + b_{M-1}s^{M-1} + \dots + b_1s + b_0 }{ a_Ns^N + a_{N-1}s^{N-1} + \dots + a_1s + a_0 } \]

où les constantes \(b_m\) et \(a_n\) sont appelés les coefficients de la fonction de transfert \(H(s)\).

L’inverse d’une transformée de Laplace qui s’exprime sous cette forme peut être calculée à l’aide d’une décomposition en éléments simples (partial fraction expansion ; voir le cours de mathématiques ou d’automatique). On utilise ensuite des tables pour obtenir l’expression de la transformée inverse.

En outre, l’expression précédente peut aussi s’écrire sous la forme :

\[ H(s) = k \frac{ \prod_{m=0}^{M} (s-z_m) }{ \prod_{n=0}^{N} (s-p_n) } = k \frac{ (s-z_M)(s-z_{M-1}) \dots (s-z_1)(s-z_0) }{ (s-p_N)(s-p_{N-1}) \dots (s-p_1)(s-p_0) } \]

où les constantes \(z_m\) et \(p_n\) sont respectivement les zéros et les pôles de la fonction de transfert \(H(s)\) et \(k\) est une constante multiplicative appelée gain. Les zéros \(z_m\) annulent le numérateur de la fonction de transfert (et donc la fonction de transfert elle-même), tandis que les pôles \(p_n\) annulent le dénumérateur (et font tendre la fonction de transfert vers l’infini).

L”ordre de la fonction de transfert est la constante \(M\) ou \(N\) la plus grande.

Propriétés#

Les propriétés de la transformée de Laplace sont similaires à celles de la transformée de Fourier. On note \(a\) et \(b\) deux constantes, \(x\), \(x_1\) et \(x_2\) des signaux et \(X\), \(X_1\) et \(X_2\) leurs transformées de Laplace respectives.

Linéarité#

\[ ax_1(t) + bx_2(t) \;\xrightarrow{\,\mathcal{L}\,}\;a X_1(s) + b X_2(s) \]

Translation#

\[ x(t-T) \;\xrightarrow{\,\mathcal{L}\,}\; e^{-sT} X(s) \]

Convolution#

\[ (x_1*x_2)(t) \;\xrightarrow{\,\mathcal{L}\,}\; X_1(s) \times X_2(s) \]

Dérivée temporelle#

\[ \frac{d}{dt}x(t) \;\xrightarrow{\,\mathcal{L}\,}\; s X(s) \]

Dilatation#

\[ x(at) \;\xrightarrow{\,\mathcal{L}\,}\; \frac{1}{|a|} X\left(\frac{s}{a}\right) \]

Région de convergence et stabilité#

La région de convergence (ROC, pour region of convergence) définit la partie du plan en \(s\) pour laquelle le système étudié est stable.

Prenons l’exemple de la réponse impulsionnelle \(h(t) = e^{-c t} u(t)\). Elle est suffisamment simple pour que l’on identifie rapidement la zone de stabilité du système. La Fig. 16 représente cette réponse impulsionnelle pour plusieurs valeur de \(c\) : On constate que lorsque \(c>0\) alors le système revient à sa position d’équilibre, alors que si \(c<0\) le système est instable.

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Fig. 16 Réponse impulsionnelle \(h(t) = e^{-c t} u(t)\) pour plusieurs valeurs de \(c\).#

La fonction de transfert de ce système est :

\[\begin{split} H(s) &= \int_{-\infty}^{+\infty} h(t) e^{-st} dt \\ &= \int_{0}^{+\infty} e^{-c t} e^{-st} dt \\ &= \left[ \frac{e^{-t(s+c)}}{-(s+c)} \right]_{0}^{+\infty} \\ &= \frac{\lim_{t \to +\infty} e^{-t(s+c)} - 1}{-(s+c)} \end{split}\]

Avant de déterminer la valeur de la limite de \(e^{-t(s+c)}\) en \(+\infty\), rappelons que \(s\) est complexe et s’écrit \(s=\sigma+j\omega\). Donc l’exponentielle \(e^{-t(s+c)}\) se décompose en deux exponentielles :

\[ e^{-t(s+c)} = e^{-t(\sigma+j\omega+c)} = e^{-t(\sigma+c)} e^{-j\omega t}. \]

Lorsque \(t\) tend vers l’infini, \(e^{-j\omega t}\) ne diverge pas (souvenez-vous que l’expontielle complexe a une forme de tire-bouchon).

En ce qui concerne l’exponentielle réelle \(e^{-t(\sigma+c)}\), trois cas sont possibles :

  • si \(\sigma+c > 0\) alors \(e^{-t(\sigma+c)}\) est une exponentielle décroissante et tend vers 0,

  • si \(\sigma+c = 0\) alors \(e^{-t(\sigma+c)}\) est une constante égale à 1,

  • si \(\sigma+c < 0\) alors \(e^{-t(\sigma+c)}\) est une exponentielle croissante et tend vers l’infini.

En combinant les limites des deux exponentielles, il advient que \(e^{-t(s+c)}\) converge (vers zéro) si et seulement si \(\sigma+c > 0\). On peut donc continuer le calcul de la fonction de transfert, uniquement dans le cas \(\sigma+c > 0\) :

\[ H(s) = \frac{0 - 1}{-(s+c)} = \frac{1}{s+c} \]

On a donc obtenu l’expression de la fonction de transfert du système étudié, qui n’est vraie que dans le cas où \(\sigma+c > 0\).

Cette condition (\(\sigma+c > 0\), soit \(\sigma>-c\)) définit la région de convergence du système. On peut donc la représenter sur le diagramme pôles–zéros (Fig. 17).

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Fig. 17 Diagramme pôles–zéros et région de convergence (en bleu) du système de réponse impulsionnelle \(h(t) = e^{-c t} u(t)\) (ici, \(c=1.5\)).#

On remarque par ailleurs que \(-c\) est l’unique pôle de la fonction de de transfert \(H(s)\) (qui n’a d’ailleurs pas de zéros). Dans l’exemple de la Fig. 17\(c=1.5\), le lieu de la transformée de Fourier étant intégralement dans la région de convergence, on en déduit que le système est stable.

De manière générale, on montre qu’un système analogique est stable si et seulement si tous ses pôles sont à partie réelle négative, impliquant qu’ils sont tous situés à gauche de l’axe vertical du diagramme pôles–zéros.

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