Bruit dans les signaux#

Jusqu’ici, on considérait les signaux comme étant déterministes, c’est à dire qu’on les connaissait de manière sûre. Ils étaient définis par une forme analytique (par exemple : \(x[n] = \sin(2\pi f n)\)) ou une suite d’échantillons (par exemple : \(x[n] = [1, 2, 3, 4]\)).

Mais en pratique, il est rare que les signaux soient connus exactement et parfaitement. Les signaux aléatoires (c’est-à-dire non déterministes) sont des signaux qu’on ne peut pas prédire complètement avant de les avoir observés. Par exemple :

  • un signal bruité (il contient des parasites) est un signal aléatoire, car le bruit n’est pas parfaitement connu (si c’était le cas, alors il serait très simple de supprimer le bruit du signal !) ;

  • une sinusoïde de fréquence inconnue peut également être considérée comme un signal aléatoire ;

  • un signal de communication numérique, au niveau du récepteur, est un signal aléatoire puisque le message émis n’est pas connu a priori du récepteur (sinon, il serait inutile de transmettre le message…).

Attention, lorsqu’on a mesuré et enregistré un signal physique, cet enregistrement n’est plus aléatoire. Mais une deuxième mesure du même phénomène physique sera différente. Lorsqu’on parle de signal aléatoire, c’est en fait le phénomène avant la mesure qui est aléatoire ! Ce qui nous intéresse ici, c’est de concevoir un traitement sur un signal qui n’a pas encore été mesuré et qui est donc considéré aléatoire.

Pour analyser et traiter ces signaux, on se base sur leurs propriétés statistiques, telles que leur moyenne ou une distribution de probabilité : nous allons donc commencer par quelques rappels de probabilités. Enfin, nous ne considérons que les signaux discrets dans ce chapitre pour simplifier le propos.

Rappels de probabilité#

Une variable aléatoire est une variable mathématique dont la valeur n’est pas fixée. Lors d’une expérience ou après l’acquisition d’un signal, on dispose de mesures de la variable aléatoire sous forme de valeurs numériques : c’est ce qu’on appelle des réalisations.

Les valeurs possibles d’une variable aléatoire n’ont pas forcément la même probabilité d’apparaître : la distribution des probabilités d’apparition des valeurs est appelée densité de probabilité et elle est souvent notée \(p\). Les densités de probabilité les plus courantes en traitement statistique du signal sont listées ci-dessous.

Densité de probabilité gaussienne#

La densité de probabilité gaussienne, ou loi normale, est la bien connue « courbe en cloche ». En notant \(x\) la variable aléatoire, elle a pour expression :

\[ p(x) = \frac{1}{\sqrt{2\pi\sigma^2}} \exp\left(-\frac{(x-\mu^2)}{2\sigma^2}\right), \]

et dépend de deux paramètres : la moyenne \(\mu\) et l’écart-type \(\sigma\). La moyenne représente la valeur moyenne que prend un échantillon, l’écart-type est l’écart moyen d’un échantillon par rapport à \(\mu\). Ainsi, la variable aléatoire peut prendre n’importe quelle valeur sur \(\mathbb{R}\), les valeurs proches de \(\mu\) étant plus probables que les valeurs éloignées de \(\mu\).

On note aussi :

\[ x \sim \mathcal{N}(\mu\ ;\sigma). \]
../_images/loi-normale.svg

Fig. 26 Densités de probabilité gaussiennes et 500 réalisations (à gauche : \(\mathcal{N}(0\ ;1)\), à droite : \(\mathcal{N}(1\ ;0,3)\)).#

La densité de probabilité gaussienne est un très bon modèle pour la plupart des bruits courants.

Densité de probabilité uniforme#

Une variable aléatoire \(x\) distribuée suivant la densité de probabilité uniforme peut prendre n’importe quelle valeur sur un intervalle \([a,b]\), et aucune valeur de cet intervalle n’est privilégiée par rapport à une autre. Elle a pour expression :

\[\begin{split} p(x) = \begin{cases} \frac{1}{b-a} &\text{si}\, x\in[a,b], \\ 0 &\text{sinon}. \end{cases} \end{split}\]

On note aussi :

\[ x \sim \mathcal{U}[a\ ;b]. \]
../_images/loi-uniforme.svg

Fig. 27 Densités de probabilité uniformes et 500 réalisations (à gauche : \(\mathcal{U}[0\ ;1]\), à droite : \(\mathcal{U}[-2\ ;2]\)).#

La distribution de probabilité uniforme a le mérite d’être très simple, même si elle représente assez mal les bruits les plus classiques dans les signaux. Si la variable aléatoire uniforme prend des valeurs discrètes, sa distribution de probabilité peut modéliser des bruits de quantification.

Loi de Poisson#

Enfin, la loi de Poisson modélise un processus de comptage (par exemple un nombre de photons sur les pixels d’un capteur CCD). Elle a pour expression :

\[ p(x) = \frac{\lambda^x}{x!} e^{-\lambda} \]

\(\lambda\) est l’unique paramètre, il correspond à la fois à la moyenne et la variance (c’est-à-dire le carré de l’écart-type).

On note aussi :

\[ x \sim \mathcal{P}(\lambda). \]
../_images/loi-poisson.svg

Fig. 28 Loi de Poisson et 500 réalisations (à gauche : \(\mathcal{P}(1)\), à droite : \(\mathcal{P}(5)\)).#

La loi de Poisson est généralement utilisée lors d’un comptage d’objets (comme des photons ou des électrons). C’est donc une loi particulièrement utile dans des signaux électroniques. Toutefois, lorsque le nombre d’objets comptés est grand, le bruit peut être modélisé par une distribution de probabilité gaussienne, qui est plus simple à manipuler mathématiquement.

Caractéristiques statistiques d’une variable aléatoire#

  • L”espérance d’une variable aléatoire \(x\), notée \(\mathbb{E}[x]\), correspond à la valeur moyenne des réalisations :

    \[ \mathbb{E}[x] = \int x p(x) dx. \]

    L’espérance est le moment d’ordre 1 de la variable aléatoire \(x\).

    Lorsqu’on dispose de \(N\) réalisations \(x[n]\) l’espérance peut être estimée ainsi :

    \[ \hat{\mathbb{E}}[x] = \frac{1}{N} \sum_{n=0}^{N-1} x[n]. \]
  • La variance d’une variable aléatoire \(x\), notée \(\mathbb{V}[x]\), correspond à l’espérance de la dispersion des réalisations \(x\) autour de la moyenne \(\mathbb{E}[x]\). Cette dispersion est définie comme le carré de la différence, ainsi :

    \[ \mathbb{V}[x] = \mathbb{E} \Big[ \big(x-\mathbb{E}(x)\big)^2 \Big]. \]

    On peut montrer que la variance s’écrit également :

    \[ \mathbb{V}[x] = \mathbb{E}(x^2) - \mathbb{E}(x)^2. \]
    Démonstration

    En appliquant la définition de l’espérance puis en développant l’expression :

    \[\begin{split} \mathbb{V}[x] &= \mathbb{E} \Big[ \big(x-\mathbb{E}(x)\big)^2 \Big] \\ &= \int \big(x-\mathbb{E}(x)\big)^2 p(x) dx \\ &= \int \big(x^2 - 2x\mathbb{E}(x) + \mathbb{E}(x)^2\big) p(x) dx. \end{split}\]

    L’intégrale étant linéaire, et comme en plus \(\mathbb{E}(x)\) est une constante par rapport à \(x\), alors :

    \[ \mathbb{V}[x] = \underbrace{\int x^2 p(x) dx}_{\mathbb{E}(x^2)} - 2\mathbb{E}(x) \underbrace{\int x p(x) dx}_{\mathbb{E}(x)} + \mathbb{E}(x)^2 \underbrace{\int p(x) dx}_{1} \]

    En simplifiant l’expression, on trouve bien :

    \[ \mathbb{V}[x] = \mathbb{E}(x^2) - \mathbb{E}(x)^2. \]

    La variance est le moment centré d’ordre 2 de la variable aléatoire \(x\).

    Lorsqu’on dispose de \(N\) réalisations \(x[n]\), la variance peut être estimée ainsi :

    \[ \hat{\mathbb{V}}[x] = \frac{1}{N} \sum_{n=0}^{N-1} \big(x[n]-\hat{\mathbb{E}}[x]\big)^2. \]
  • L”écart type d’une variable aléatoire \(x\) est la moyenne des écarts des réalisations à la moyenne. C’est la racine carrée de la variance :

    \[ \sqrt{\mathbb{V}(x)}. \]

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Densité spectrale de puissance#

Autocorrélation statistique#

L’autocorrélation statistique adapte l”autocorrélation temporelle au caractère statistique d’un signal aléatoire. Ainsi pour un signal aléatoire \(x\), son autocorrélation statistique s’écrit :

\[ R_x[m] = \mathbb{E}\Big[ x[n+m] x[n] \Big]. \]

Densité spectrale de puissance#

La densité spectrale de puissance (power spectral density) est la transformée de Fourier à temps discret de l’autocorrélation statistique :

\[ S_x(f) = \mathcal{F} \left[ R_x \right](f) = \sum_{m=-\infty}^{+\infty} R_x[m] e^{-j 2 \pi m f}. \]

La densité spectrale de puissance est définie pour \(f\in\left[-\frac{1}{2},+\frac{1}{2}\right]\). Elle indique comment la puissance du signal aléatoire se localise en fonction des fréquences.

La densité spectrale de puissance a les propriétés suivantes.

  • La densité spectrale de puissance est une fonction réelle : \(S_x(f) \in \mathbb{R}\).

  • La densité spectrale de puissance est une fonction positive : \(S_x(f) \geq 0\).

  • L’intégrale de la densité spectrale de puissance est égale à l’autocorrélation en 0 mais aussi à la puissance du signal :

    \[ \int_{-1/2}^{+1/2} S_x(f) df = R_x(0) = P_x \]
  • La densité spectrale de puissance ne caractérise pas entièrement un signal aléatoire : deux signaux aléatoires différents peuvent avoir la même densité spectrale de puissance !

Le bruit dans les signaux#

On appelle bruit les modifications non souhaitées et inconnues que subit un signal lors de son acquisition, de son enregistrement, de son traitement ou de sa transmission.

Ce qu’on appelle bruit dépend très fortement du contexte [Jutten 2018]. Par exemple, pour l’opérateur sonar d’un sous-marin militaire, le signal utile est émis par les navires alors que les bancs de poissons émettent des signaux qui sont des perturbations pour le signal utile, donc du bruit. À l’inverse, pour l’opérateur sonar d’un navire de pêche, le signal utile est celui émis par les bancs de poissons et les autres signaux sont des perturbations et constituent du bruit.

Le bruit est donc un signal qui va perturber le signal original. Comme les modifications apportées par le bruit sont inconnues, alors ce dernier est modélisé par un signal aléatoire dont les amplitudes sont des variables aléatoires. La densité de probabilité du bruit peut être gaussienne, uniforme, de Poisson, etc.

Le bruit blanc#

Un bruit \(b[n]\) blanc est un signal aléatoire d’espérance nulle et de densité spectrale de puissance constante. Cela implique que la puissance du bruit est répartie de manière uniforme sur les fréquences, justifiant l’appelation de « blanc » par analogie avec la lumière.

En notant \(\sigma_b^2\) la valeur constante de la densité spectrale de puissance, l’autocorrélation du bruit blanc \(b\) est nulle partout sauf en \(0\) :

\[ S_b(f) = \sigma_b^2 \quad\Leftrightarrow\quad R_b[m] = \sigma_b^2 \delta[m]. \]

Ce résultat implique que les échantillons d’un bruit blanc sont décorrélés.

La valeur de l’autocorrélation en \(0\) étant égale à la puissance du signal, le bruit blanc a pour puissance \(\sigma_b^2\).

Cette valeur \(\sigma_b^2\) est la variance du signal \(b\) puisque \(R_b[0] = \sigma_b^2 \delta[0]\) et que, sachant que \(\mathbb{E}[b] = 0\) on a :

\[ R_b[0] = \mathbb{E}\Big[ b[n+0] b[n] \Big] = \mathbb{E}\Big[ b^2 \Big] = \mathbb{V}\Big[ b \Big]. \]

Le bruit blanc i.i.d.#

un bruit blanc \(b[n]\) est indépendant et identiquement distribué (i.i.d.) si :

  • ses échantillons sont sans relation les uns avec les autres (ils sont indépendants),

  • ses échantillons ont tous la même densité de probabilité (ils sont identiquement distribués).

Le bruit blanc gaussien additif#

Le bruit blanc gaussien additif (AWGN : additive white Gaussian noise) est un modèle très répandu et assez simple de bruit qui possède les caractéristiques suivantes :

  • le bruit est blanc,

  • ses réalisations sont i.i.d.,

  • la densité de probabilité de ses réalisations est une loi normale,

  • le bruit s’ajoute au signal d’intérêt.

Ainsi, un signal \(x\) bruité par un bruit AWGN se modélise :

\[ \forall n, \quad y[n] = x[n] + b[n]\quad \text{où}\; b[n] \sim \mathcal{N}(0,\sigma). \]

Exemple

Dans cet exemple, une sinusoïde \(x\) de 440 Hz (correspondant à la note la) est bruité par un bruit blanc gaussien additif \(b\). Les signaux sont représentés dans la Fig. 29 et peuvent être écoutés ci-après.

../_images/exemple-bruit-blanc.svg

Fig. 29 Signal \(x\), bruit blanc \(b\), et la somme \(x+b\).#

Signal \(x\) :

Signal \(b\) :

Signal \(y\) :

Rapport signal à bruit#

Le rapport signal-à-bruit (RSB, ou en anglais SNR : signal-to-noise ratio) est une mesure de l’intensité du bruit dans un signal. Il correspond au rapport entre la puissance du signal \(x\) et la puissance du bruit \(b\) et est généralement exprimé en décibels :

\[ \text{RSB} = 10 \log_{10} \left(\frac{P_x}{P_b}\right) \]

où les puissances s’expriment :

\[ P_x = \frac{1}{N} \sum_{n=0}^{N-1} |x[n]|^2 \quad\text{et}\quad P_b = \frac{1}{N} \sum_{n=0}^{N-1} |b[n]|^2. \]

Notez que dans le cas d’un bruit blanc, la puissance du bruit \(P_b\) est égale à la variance du bruit.

../_images/rsb.svg

Fig. 30 Exemples d’une même sinusoïde bruitée à différents RSB.#

Le RSB n’est bien évidemment pas utilisé dans un traitement réel, puisque le bruit \(b\) n’est pas connu. Le RSB est utilisé pendant la phase de développement d’une méthode de traitement du signal. En effet, les tests effectués durant cette phase de développement nécessitent d’avoir à disposition le signal non bruité et le bruit. Il est alors possible de calculer le RSB, ce qui permet de comparer les performances du traitement réalisé avec d’autres méthodes.

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